Le Coup de Doigt une Hantise pour Certains Tireurs
Rares doivent être les tireurs qui n’ont jamais entendu parler du " coup de doigt ", à défaut de l’avoir eux-mêmes déjà expérimenté. Ce problème particulièrement pénible et agaçant, touchant préférentiellement les débutants et les vétérans, est par ailleurs un facteur d’échec quasiment assuré dans l’accomplissement d’une performance, donc une cause d’insuccès.
Il semble concerner plus facilement les disciplines pratiquées avec le fusil épaulé, et il est bien connu aux USA, notamment chez les champions de Trap américain.
1 - Définition
Pour définir ce phénomène du " coup de doigt " il est intéressant de se référer à sa dénomination anglo-saxonne : flinching, le verbe " flinch " signifiant fléchir, reculer, renoncer.
L’ordre mental de tirer est donné par le cerveau quand il a bien intégré le processus d’information visuelle sur la position du fusil et sur la trajectoire du plateau. Lors d’un " coup de doigt ", le cerveau a bien donné à l’index la consigne de presser sur la détente, mais il ne se passe rien, alors que souvent le tireur est persuadé d’avoir appuyé.
Il s’agit donc d’une réaction psychomotrice, à la fois physique et mentale, engendrée par l’anticipation d’une situation difficile ou douloureuse.
Ainsi, il n’est pas rare de voir un débutant fermer les yeux au départ du coup, par appréhension, sans forcément d’ailleurs rater son plateau (pour s’en assurer, il suffit de lui demander s’il a vu le plateau se casser).
De toutes façons, ce " coup de doigt " conduit inéluctablement à une hésitation dans le mouvement, empêchant un swing continu et régulier, et aboutissant parfois à l’arrêt complet du fusil, ou à un geste incoordonné d’abaissement des canons au moment de presser la détente, le tireur paraissant alors trébucher et faire deux ou trois pas en avant.
2 - Les diverses causes possibles
Les causes d’ordre matériel ou technique:
- Avant tout, il peut s’agir d’une mauvaise adaptation de l’arme utilisée. La crosse peut être trop longue, ou dotée d’un espace trop important entre la queue de détente et la face antérieure de la poignée pistolet.
La préhension de la crosse (appui-paume trop volumineux), avec une main tournée au-dessus de la poignée, peut entraîner un geste de torsion de la détente vers l’extérieur, au lieu d’une pression directe vers l’arrière.
Une pente trop importante, empêchant de voir une partie de la bande, facilite un retard dans la perception du plateau, et dans la transmission du signal visuel au cerveau.
- Certaines anomalies mécaniques du fusil peuvent aussi favoriser un coup de doigt (notamment entre le 1er et le 2e coup) comme un ressort de rappel de détente fatigué ou cassé, une perturbation du décrochage chien/gâchette, ou une course trop longue de la masselotte de réarmement : il faudra bien savoir différencier ces incidents d’un non-relâchement involontaire de la détente par le tireur entre les deux coups.
- La qualité des départs de l’arme utilisée revêt une importance non négligeable, et il est classique de penser que des poids de départ trop élevés favorisent les coups de doigt. Mais il s’agit en fait d’une question de préférence personnelle et surtout d’habitude (d’où les fréquents problèmes rencontrés lors des changements de fusil).
S’il faut bien sûr éviter les départs qui " grattent " avec une course longue de détente et une absence de netteté, il ne faut pas se contenter de rechercher à tout prix une arme dotée d’un poids de départ très faible.
Les causes d’ordre mental ou psychologique:
- En premier lieu, il peut s’agir d’une peur ou d’une appréhension, surtout chez les débutants : crainte de l’arme, peur du recul, de la détonation et du bruit, méfiance vis-à-vis de la puissance d’une cartouche. Le subconscient du tireur refuse simplement de laisser le corps subir une nouvelle agression physique, ce qui se traduit par le coup de doigt.
- Il peut aussi s’agir d’une anxiété importante, en rapport avec des soucis personnels, ou générée par un enjeu comme c’est le cas en compétition, et il est clair que certains tireurs n’ont jamais ou rarement de coups de doigt lors de l’entraînement. Le désir de vouloir trop bien faire et la peur de rater (par exemple un plateau difficile ou très technique) ont souvent un effet pervers, en imposant inconsciemment au cerveau de vérifier et de parfaire encore l’alignement de l’arme alors que c’est le moment de tirer.
Les conditions d’environnement:
Elles sont également susceptibles de favoriser le coup de doigt.
Ainsi, le froid avec un certain degré d’ankylose musculaire, ou la mauvaise visibilité, à l’origine d’une réaction plus lente et d’une diminution globale des réflexes. Le port de vêtements chauds, épais mais inadaptés à un bon positionnement du fusil au niveau de l’épaule, ne fait de plus qu’aggraver les choses.
3 - Les solutions
Elles découlent des différentes causes étudiées précédemment, et paraissent assez faciles à mettre en œuvre au cas par cas, même si le résultat n’est pas toujours aussi satisfaisant qu’on le voudrait.
Sur le plan technique et matériel, on surveillera :
- L’efficacité et la qualité de la protection auditive utilisée, pour ne pas appréhender la détonation.
- L’intensité du recul, à maîtriser au mieux grâce au choix de cartouches appropriées, à l’installation d’un dispositif anti-recul sur la crosse, ou encore à l’adoption d’un fusil automatique à emprunt de gaz.
- La mise en conformité et l’adaptation du fusil, aussi parfaite que possible, surtout pour la pente et la longueur de crosse.
- La forme et le volume de la poignée pistolet, devant procurer un " grip " facile et sans tension musculaire sur la main et le poignet.
- La position de la détente, et sa possibilité éventuelle de réglage permettant au tireur de choisir une technique constante de pression, soit avec l’extrémité de l’index (pulpe de la dernière phalange), soit avec le pli de flexion inter-phalangien.
- Le poids des départs, avec une valeur idéale se situant aux environs de 2 kg, parfois un peu plus lourd pour le deuxième coup, en évitant si possible tout ce qui est inférieur à 1,5 kg.
On aurait tort de penser qu’un coup de doigt a d’autant moins de chances de se produire que l’arme dont on dispose possède des départs très légers. Des départs très légers sont parfois dangereux, et peuvent au contraire entraîner des coups prématurés, avant même d’être sur le plateau. À la différence du tir de précision à la carabine, qui requiert des départs très sensibles, le tir aux plateaux se fait en mouvement, et l’effort de pression sur la détente ne peut avoir de réelle influence sur la précision de placement de la gerbe.
Sur un grand plateau " traversard ", accompagné par un mouvement relativement long, le tireur muni d’un fusil aux départs trop légers risque d’appuyer progressivement sur la détente et de déclencher le coup involontairement, avant le moment choisi.
Sur le plan physique, il faudra :
- Rechercher un repos et un sommeil de qualité, avant toute compétition, car la fatigue est une grande pourvoyeuse de coups de doigt.
- Éviter toute fatigue visuelle inutile, telle que celle provoquée par le soleil ou les atmosphères enfumées.
- Bien placer ses yeux et bien se préparer avant la demande du plateau, un coup de doigt résultant parfois d’une vision trop tardive de la cible.
- Se relaxer dans la mesure du possible entre chaque plateau (fosse) ou entre chaque poste (parcours), en s’aidant d’une respiration profonde et lente pour oxygéner au mieux le cerveau.
- Limiter la consommation de boissons alcoolisées ou d’excitants (café, vitamine C) qui perturbent la coordination psychomotrice.
Sur le plan psychologique :
- Une bonne préparation mentale doit permettre de développer une attitude positive de gagnant et un regain de confiance en soi, car la peur de rater peut déclencher un coup de doigt, puis, la crainte d’un nouveau coup de doigt majore alors l’anxiété, favorisant par un cercle vicieux de nouveaux coups de doigt conduisant à l’échec.
- L’effort de concentration doit être à son maximum en ne pensant qu’au plateau que l’on s’apprête à tirer (et pas aux plateaux touchés ou ratés précédemment).
- La focalisation visuelle sur la cible doit rester intense, afin d’optimiser la coordination entre le cerveau et le reste du corps, pour que l’ordre de tirer ne soit transmis qu’au moment où une parfaite synergie est obtenue entre le mouvement du tireur (et de son arme) et la position du plateau.
4 - Conclusion
Le " coup de doigt " est une affection qui peut se développer soudainement, aussi bien chez des débutants que chez des tireurs confirmés, perturbant grandement les capacités de tir et les résultats, et pouvant aboutir, sinon à une préoccupation obsessionnelle, du moins à un certain désagrément incompatible avec le plaisir de tirer.
Si les causes peuvent en être multiples, elles sont souvent intriquées, ce qui impose une analyse soigneuse de tous les paramètres mis en jeu, avant d’essayer de trouver un " remède " qui ne sera jamais miraculeux. Dans tous les cas, il faut dédramatiser le problème, car une véritable spirale infernale risque d’apparaître, avec une accentuation du phénomène provoquée justement par la crainte de le voir survenir.